Dans la nuit du 20 au 21 janvier 2006, Ilan Halimi, jeune juif parisien, était enlevé par les auto-proclamés membres du « Gang des barbares ». Le début pour lui d’un long calvaire, qui s’achèvera par la mort du jeune adulte, et dont le motif unique résidera dans un antisémitisme ancré.
Par Hanna Partouche, Directrice de Rédaction chez Unis avec Israël
Les clichés sont tenaces. La haine antisémite est immortelle, et parfois viscérale. La mémoire, quant à elle, est parfois courte.
Ces sombres périodes de l’Histoire, au cours desquelles être juif pouvait coûter la vie, semblaient bien loin du quotidien français en 2006, et probablement loin également de celui du jeune Ilan.
Dans la nuit du 20 au 21 janvier 2006, pourtant, la haine antisémite s’est abattue sur la famille Halimi. Ilan a été enlevé, puis séquestré et torturé, brûlé, frappé, affamé, trois semaines durant. Son calvaire ne s’achèvera que le 13 février suivant, lorsqu’il sera retrouvé nu le long d’une voie ferrée par une passante, agonisant, avant de s’éteindre quelques minutes plus tard.
Pour la première fois depuis de longues années, l’antisémitisme meurtrier venait frapper à la porte du peuple français pour rappeler à chacun son existence, et les formes les plus barbares qu’il pouvait présenter.
Au-delà de l’effroi qu’elle pouvait, qu’elle se devait de susciter, l’histoire d’Ilan a soulevé de nombreuses questions.
Ilan a été tué parce que juif, donc supposément riche. Pourtant, la famille Halimi appartenait à celles de la classe moyenne française. Ilan lui-même avait été repéré par le « gang » alors qu’il travaillait comme simple vendeur dans un magasin de téléphones. Les clichés antisémites seraient-ils donc immortels et ancrés au point de faire perdre toute raison?
Les officiers de police chargés du dossier, tout comme les magistrats plus tard saisis, n’ont reconnu le caractère antisémite de l’affaire qu’a posteriori, et ce malgré les évidences. L’antisémitisme était-il encore tabou en 2006, ou constituait-il simplement une réalité difficile à affronter et à assumer?
La religion d’Ilan lui a valu sa mort, au sein du pays de la tolérance et des Droits de l’Homme. Après lui suivront Myriam, Jonathan, Arié, Gabriel, Yohan, Yoav, François-Michel, Philippe, Sarah, Mireille… Combien d’autres juifs seront tués en France au 21ème siècle parce que juifs? L’existence des juifs en France doit-elle aujourd’hui être remise en doute?
En 2006 déjà, la mère d’Ilan avait prononcé ces mots: »je veux que l’histoire d’Ilan serve à donner le signal d’alerte’‘. Ilan a été enterré à Jérusalem, et de nombreux juifs de France l’ont désormais rejoint au sein de la capitale israélienne, fuyant, pour une large partie d’entre eux, un quotidien jugé anxiogène, si ce n’est dangereux, en France.
Beaucoup de ces questions resteront sans réponses, et chacun restera libre d’y apporter ses propres réponses et, surtout, ses propres moyens.
Reste un devoir indispensable, imputable à tout un chacun, à ceux touchés de près comme à ceux absolument lointains de l’histoire d’Ilan. Ce devoir, c’est celui de la mémoire. Cette mémoire qui nous fait si souvent défaut au point de coûter des vies. En tuant Ilan, c’est la nation que cette histoire a tuée. En oubliant Ilan, la nation s’assassinerait une seconde fois.
Ilan Jacques Elie Halimi est décédé le 13 février 2006 à l’âge de 23 ans, sur le sol français.
Ce jour là, le peuple juif célébrait Tou Bichvat, la fête marquant le renouveau des arbres. Ironie du sort, Ilan signifie « arbre » en hébreu.
Que ses racines jamais ne se coupent et que des branches de son histoire fleurisse un avenir serein pour son peuple.
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