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Le Parlement Wallon s’est prononcé à l’unanimité : l’abattage d’animaux sans étourdissement ou anesthésie préalable sera officiellement interdit sur le territoire belge à partir du 1er juin 2018.
Une dérogation est toutefois prévue dans le cadre des abattages rituels, qui pourront quant à eux bénéficier d’un délai supplémentaire jusqu’au 1er janvier 2019.

Cette décision semble s’inscrire dans une démarche européenne croissante de préservation de l’intégrité et de la sensibilité des animaux. A ce titre, plusieurs Etats, à l’image des Pays-Bas ou encore de la Suisse, proscrivent déjà officiellement les pratiques d’abattages rituels. Une telle option avait également été proposée en France par Marine Le Pen au cours de sa dernière campagne présidentielle.

Depuis 1974, le droit européen s’attache lui aussi à la protection des animaux, et notamment en ce qui concerne leur abattage. Ainsi, en son article 3, le règlement européen du 24 septembre 2009 prévoit que « « toute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes ».
Toutefois, là encore, des dérogations officielles existent dans le cas de l’abattage rituel, produites par la nécessité de tenir également compte de la liberté de culte, autre valeur centrale du droit européen.

C’est de ces dérogations légales que semblent progressivement tenter de s’écarter les Etats européens.
Le motif avancé ? L’abattage rituel tel qu’actuellement pratiqué par les institutions juives et musulmanes serait cruel et causerait de nombreuses souffrances pour la bête.
Un argument qui mérite la plus grande attention : en effet, selon le judaisme, un animal n’est considéré comme casher et donc apte à la consommation que s’il a été tué sans souffrances. L’ensemble de ces lois ont été codifiées dès le 12ème siècle par Maïmonide.
Ainsi, l’incision doit être entreprise de la manière la plus précise et rapide possible, à l’aide d’un couteau parfaitement lisse, et doit permettre à l’animal de se vider immédiatement de son sang. Dès lors, tout mouvement animal qui se produirait au cours des minutes suivantes ne serait le fait que du système nerveux de la bête, celle-ci ayant perdu la vie dès la seconde où son sang a cessé de circuler.

En parallèle, l’étourdissement de la bête cause souvent des fractures de son crâne, et nombreux ont été les témoignages particulièrement révoltants se rapportant aux pratiques de mise à mort des bêtes au sein d’abattoirs classiques.

Il se pourrait donc que cette interdiction de l’abattage rituel, et le motif qui lui est attribué, suscitent un certain paradoxe.

Si l’importation de viandes provenant d’abattages rituels n’est pas encore envisagée par le Gouvernement belge, elle restera a priori le dernier moyen pour les communautés juives et musulmanes du pays de se procurer de la viande casher et hallal. Toutefois, comme cela a été observé notamment en Belgique, il reste indispensable de s’attendre à une inflation considérable des prix et à une raréfication du choix.

Les autorités communautaires belges voient en cette décision du Gouvernement wallon un réel tournant, susceptible non seulement de rendre les pratiques de cultes plus difficiles, mais également de stigmatiser certaines populations.
Enfin, cette décision, qualifiée de « moment grave dans l’Histoire du judaïsme belge » par Philippe Markiewicz, en sa qualité de président du Consistoire central israélite belge, laisse pour beaucoup envisager, à échelle européenne, les prémices de futures interdictions, à l’image notamment de la circoncision.

A l’heure d’une mise en balance des intérêts des animaux face à la préservation des cultes religieux, il se pourrait donc que l’Europe tranche progressivement, mettant en péril certaines pratiques centrales de l’islam et du judaïsme.

Par Hanna Partouche, responsable chez Unis avec Israël