(Office of the Iranian Supreme Leader via AP) (Office of the Iranian Supreme Leader via AP)
Ali Khamenei

Israël espère que les conflits internes auxquels fait face l’Iran forceront ses dirigeants à se concentrer sur les besoins réels du pays et non plus sur la destruction de l’Etat juif.

Traduit de l’article d’Adam Abrams / JNS

Des milliers de personnes sont descendues ce week-end dans les rues de plusieurs villes iraniennes pour manifester contre les difficultés économiques de la République islamique, la corruption du régime et l’expansion militaire observée dans toute la région, et bien évidemment coûteuse.
Ce mouvement a été qualifié de « plus grande manifestation antigouvernementale depuis la Révolution Verte« ,  qui avait éclaté en 2009 à la suite d’une élection présidentielle controversée.

Bien que les experts estiment qu’il est trop tôt pour déterminer les conséquences de ces manifestations anti-régime sur Israël, Meir Litvak, directeur du Centre d’études iraniennes de l’Université de Tel Aviv, a déclaré à JNS que si les manifestations continuaient de se multiplier, l’Iran pourrait être forcé d’affecter l’attention et les ressources qu’il investissait jusqu’ici dans la lutte contre l’Etat juif aux affaires intérieures iraniennes. « C’est mon espoir« , a déclaré Litvak.

Daniel Pipes, Président du Forum de réflexion sur le Moyen-Orient, a déclaré que si les manifestations « conduisaient à un changement de régime, elles engendreraient d’immenses conséquences pour Israël, le Moyen-Orient, le monde musulman, et au-delà« .

« La République islamique d’Iran a été le moteur de l’islamisme, depuis son accession au pouvoir en 1979, de sorte que l’effondrement de la République entraînerait la précipitation du déclin islamiste, qui a déjà commencé en 2013″, a déclaré M. Pipes à JNS .

« Pour Israël, cela signifierait que son ennemi le plus puissant disparaîtrait« , a-t-il dit. « Je peux difficilement imaginer de meilleures nouvelles en matière de politique. »

Conséquences internes

Pipes a noté qu’environ 85% de la population iranienne se sentait étrangère au régime. « Si ce mouvement [de protestations] est finalement étouffé, comme ce fut le cas en 2009, le renversement du [régime] sera encore retardé. Mais la contre-révolution reste inévitable« .

La nouvelle vague de manifestations populaires en Iran a été initiée jeudi dernier, par la voie de manifestations anti-régime qui se sont déroulées dans la ville de Mashhad, au nord-est du pays, où 52 manifestants ont été arrêtés. Les manifestations se sont rapidement étendues à d’autres villes de la République islamique, parmi lesquelles la capitale, Téhéran.

Au cours de ces protestations anti-régime, des manifestants ont, dans certaines parties du pays, été entendus scandant des slogans à l’encontre du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, ainsi que contre le corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC). Les manifestants auraient scandé «mort au dictateur» et «mort aux gardiens de la révolution».

Près de 80 personnes ont été arrêtées samedi dans la ville d’Arak alors que se produisait la troisième soirée de manifestations de masse, le phénomène s’étant propagé à de nombreuses villes supplémentaires.

Au moins trois manifestants ont été abattus par les Gardiens de la révolution samedi soir alors que les forces patrouillaient pour dissiper les rassemblements. Les manifestants vont « payer le prix » et « un tel comportement sera brisé », a averti le ministre de l’Intérieur iranien Rahmani Fazli, tandis que les gardiens de la révolution ont menacé d’écraser les protestations avec une « poigne de fer ».

Le régime a minimisé l’ampleur des manifestations: l’ agence de presse Fars, affiliée à l’Etat ,a annoncé que 300 manifestants s’étaient rassemblés dans la ville de Kermanshah, dans l’ouest du pays. Quant au gouverneur de Téhéran, Mohsen Hamedani, il a pour sa part déclaré que moins de 50 manifestants s’étaient réunis sur la place publique de la ville.

Les médias contrôlés par l’Etat iranien ont également tenté de caractériser les manifestations comme étant orchestrées par les services secrets américains, britanniques et israéliens, dans ce que Litvak, de l’université de Tel Aviv, a qualifié de « pratique typiquement iranienne« .

« [Ceci] est en partie motivé par une véritable paranoïa du régime, qui voit des ennemis cachés derrière chaque coin, mais c’est une vieille pratique que de blâmer les étrangers pour tout ce qui arrive à l’Iran, et ainsi acquitter le gouvernement de toute responsabilité », a déclaré Litvak. « En accusant les ‘suspects habituels’, ils cherchent aussi à faire appel au sentiment nationaliste de la plupart des Iraniens. »

« Presque plus personne ne croit à ces absurdités« , a déclaré M. Pipes au sujet de la rhétorique du régime.

Quelle différence avec la Révolution Verte?

« Plusieurs différences importantes » peuvent être notées entre la nouvelle vague de manifestations iraniennes initiée la semaine dernière et la révolution verte de 2009, a déclaré Litvak.

« En 2009, les manifestations ont éclaté car le peuple a estimé que le gouvernement les avait trompés en organisant les élections présidentielles« , a-t-il dit. « Les manifestations manquaient alors d’une cible économique claire. Cette fois, l’ordre du jour est clairement économique, [et lié à] la frustration croissante due à l’absence de réelle amélioration du niveau de vie des populations suite à l’accord nucléaire de 2015.« 

Selon Litvak, une autre différence clé avec la nouvelle vague de manifestations iraniennes tient à la manière dont elles se sont propagées. Les manifestations ne sont pas « principalement limitées aux grandes villes » comme elles l’étaient en 2009, mais sont survenues « dans tout le pays » , y compris dans des zones qui n’avaient pas connu de manifestations il y a près de dix ans, a-t-il expliqué.

« Je pense que le programme économique concerne davantage ces gens » dans les petites villes, a déclaré Litvak, qui a également estimé que les réseaux sociaux avaient joué un rôle dans la connexion des petites villes iraniennes avec d’autres parties du pays.

« [Les civils iraniens] sont plus conscients de ce qui se passe, et ils sentent qu’ils font partie de quelque chose de plus grand« , a-t-il dit.

Réponse américaine et israélienne

Le président Donald Trump a tweeté samedi soir que les citoyens iraniens « en avaient marre de la corruption du régime et de son gaspillage de la richesse de la nation pour financer le terrorisme à l’étranger« , ajoutant « Le gouvernement iranien devrait respecter les droits de ses citoyens, y compris le droit de s’exprimer. Le monde observe! »

M. Litvak a pour sa part déclaré qu’Obama était resté « complètement silencieux en 2009, parce qu’il cherchait à négocier avec le gouvernement iranien au sujet du problème nucléaire, et qu’il ne voulait pas leur faire prendre de quelconques distances« .

L’ancien Président était également inquiet à l’idée qu’une déclaration officielle des Etats-Unis puisse être utilisée par le régime iranien pour discréditer les manifestants, « et il aurait pu craindre que les déclarations à l’appui des protestations puissent pousser les Etats-Unis à s’impliquer davantage« , a déclaré Litvak. Ce dernier a également remis en question l’efficacité des déclarations de Trump du fait de l’impopularité du leader américain en Iran; à cause de son refus de supprimer toutes les sanctions américaines contre la République islamique.

« Obama avait les yeux rivés sur l’accord avec l’Iran, qui a finalement été signé six ans plus tard, c’est pourquoi il est resté silencieux« , a déclaré Pipes du Middle East Forum. « Trump ressent une hostilité plus populiste envers Téhéran et encourage les manifestants. Cette différence gagnera considérablement en importance si les protestations continuent. »

Bien que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou soit resté silencieux sur les manifestations anti-régime dimanche, le ministre israélien de la Sécurité publique Gilad Erdan a pour sa part tweeté samedi soir au sujet des manifestations que l’Iran « gaspillait des milliards de dollars en les versant au Hezbollah, au Hamas et au régime d’Assad et en finançant le terrorisme à travers le monde, plutôt que d’investir pour le peuple iranien.«